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Conti, et la conclusion de la paix. Ajoutons-y, auparavant de finir la guerre, que pendant la campagne, vers le fort des conférences du maréchal de Boufflers, M. le comte de Toulouse fut fait seul lieutenant général.

Je m’aperçois que j’oublie de tenir parole sur les raisons particulières qui rendoient au roi la reconnoissance du prince d’Orange pour roi d’Angleterre si amère ; les voici : le roi étoit bien éloigné, quand il eut des bâtards, des pensées qui, par degrés, crûrent toujours en lui pour leur élévation. La princesse de Conti, dont la naissance étoit la moins odieuse, étoit aussi la première ; le roi la crut magnifiquement mariée au prince d’Orange, et la lui fit proposer, dans un temps où ses prospérités et son nom dans l’Europe lui persuadoient que cela seroit reçu comme le plus grand honneur et le plus grand avantage. Il se trompa : le prince d’Orange étoit fils d’une fille du roi d’Angleterre, Charles Ier, et sa grand’mère étoit fille de l’électeur de Brandebourg. Il s’en souvint avec tant de hauteur qu’il répondit nettement que les princes d’Orange étoient accoutumés à épouser des filles légitimes des grands rois, et non pas leurs bâtardes. Ce mot entra si profondément dans le cœur du roi qu’il ne l’oublia jamais, et qu’il prit à tâche, et souvent contre son plus palpable intérêt, de montrer combien l’indignation qu’il en avoit conçue étoit entrée profondément en son âme.

Il n’y eut rien d’omis de la part du prince d’Orange pour l’effacer : respects, soumissions, offices, patience dans les injures et les traverses personnelles, redoublement d’efforts, tout fut rejeté avec mépris. Les ministres du roi en Hollande eurent toujours un ordre exprès de traverser ce prince, non seulement dans les affaires d’État, mais dans toutes les particulières et personnelles ; de soulever tout ce qu’ils pourroient de gens des villes contre lui, de répandre de l’argent pour faire élire aux magistratures les personnes qui lui étoient les plus opposées, de protéger ouvertement ceux qui étoient déclarés contre lui, de ne le point voir ; en