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avoit besoin, et de lui en demander lui-même sans mettre de tiers entre eux ; il lui dit d’en user toujours avec la même confiance et qu’il jouât hardiment, sans craindre que l’argent lui manquât, et qu’il n’étoit de nulle importance d’en perdre à des personnes comme eux. Le roi se plaisoit à la confiance, mais il n’aimoit pas moins à se voir craint, et lorsque des gens timides qui avoient à lui parler se déconcertoient devant lui et s’embarrassoient dans leurs discours, rien ne faisoit mieux leur cour et n’aidoit plus à leur affaire.

Il donna aussi cent mille francs à Mansart, qui fit son fils conseiller au parlement.

L’archevêque de Reims présida à l’assemblée du clergé qui se tient de cinq en cinq ans. L’archevêque d’Auch, Suze[1], lui fut adjoint, et tous deux firent si bien qu’il n’y eut point d’évêques présidents avec eux, quoique la dernière assemblée eût ordonné qu’il y auroit deux évêques avec deux archevêques ; ils eurent onze provinces pour eux qui l’emportèrent sur les cinq autres. M. de Reims, dans sa harangue au roi à l’ouverture, auroit pu se passer de nommer l’archevêque de Cambrai, dont les amis et même les indifférents furent scandalisés ; il proposa aussi à l’assemblée d’insérer dans son procèsverbal copie de ceux des assemblées provinciales tenues à l’occasion de sa condamnation, ce qui fut fait en conséquence de pareils exemples. Elle fit aussi une commission de six évêques, et de six du second ordre, à la tête desquels fut M. de Meaux, pour examiner plusieurs livres, la plupart d’auteurs jésuites, sur la morale, qui fut accusée d’être fort relâchée. M. d’Auch ouvrit cet avis, qui passa à la pluralité de dix provinces contre six. Il s’éleva une dispute dans ce bureau entre le premier et le second ordre qui y prétendoit la voix délibérative. Le premier ne lui voulut reconnoître que la consultative, parce

  1. L’archevêque d’Auch était alors Armand-Anne-Tristan de La Baume de Suze, qui gouverna ce diocèse de 1684 à 170.