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mais ils en connoissoient la nécessité pour avoir la paix, et savoient bien aussi que cet article ne l’étoit guère moins au roi qu’à eux-mêmes, dont j’expliquerai tout présentement la raison. Ils se consolèrent comme ils purent, et parurent même fort obligés au roi, qui tint également ferme à ne vouloir pas souffrir qu’ils sortissent de France, ni qu’ils quittassent le séjour de Saint-Germain. Ces deux points avoient été vivement demandés ; le dernier surtout dans l’impossibilité d’obtenir l’autre, tant à Ryswick que dans les conférences par Portland. Le roi eut l’attention de dire à Torcy, sur le point de la signature, que si le courrier qui en apporteroit la nouvelle arrivoit, un ou plusieurs, l’un après l’autre, il ne lui vint point dire, s’il étoit alors avec le roi et la reine d’Angleterre, et il défendit aux musiciens de chanter rien qui eût rapport à la paix, jusqu’au départ de la cour d’Angleterre.

On sut en même temps que le prince Eugène avoit gagné une bataille considérable en Hongrie, qui y rétablit fort les affaires et la réputation de l’empereur, mais dont, faute d’argent, il ne put profiter, comme il eût été aisé de faire grandement. Pour achever de suite cette matière de la paix, les ratifications étant échangées, elle fut publiée le 22 octobre, à Paris, avec l’Angleterre et la Hollande, et huit jours après avec l’Espagne. Celi, qui était retourné, arriva à Versailles le 2 novembre portant la nouvelle de la signature de la paix avec l’empereur et presque tout l’empire ; quelques protestants faisoient encore difficulté de la signer, sur ce que le roi insistoit que la religion catholique fût conservée dans les pays à eux rendus ; et à la fin ils y passèrent. Celi, malgré sa conduite, eut douze mille livres de gratification. On peut juger que les Te Deum et les harangues de tous les corps furent la suite de cette paix, dans lesquelles il fut bien répété que le roi avoit bien voulu la donner à l’Europe. Retournons maintenant à beaucoup de choses laissées en arrière, pour n’avoir pas voulu interrompre le voyage de M. le prince de