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en 1664, et mort à soixante-dix ans en 1671, et elle en 1678. M. de Froulay, ambassadeur à Venise, l’évêque du Mans, le bailli de Froulay, sont petits-fils de ce mariage, et cousins issus germains cadets du comte de Tessé, fils du maréchal de Tessé, petits-fils des deux frères. Ces deux sœurs étoient filles d’honneur de la reine régente, et l’aînée devoit [être] et a été en effet fort riche. M. de Navailles s’étoit entièrement attaché au cardinal Mazarin et commandoit sa compagnie de chevau-légers, car il avoit en petit une maison militaire comme le roi. Navailles étoit homme de qualité de Gascogne, de ces gens de l’ancienne roche, pleins d’honneur, de valeur et de fidélité à toute épreuve, comme il le montra bien au cardinal Mazarin dans les temps les plus critiques de sa vie. C’étoit lui qui avoit le secret de ses retraites, de ses adresses, de ses chiffres dans tous ses deux éloignements, et qui avec grand péril demeura dans son attachement à visage découvert, que rien ne put ébranler, et le canal le plus sûr du cardinal. Cette conduite, qui, quelque décrié que fût le cardinal, lui fit beaucoup d’honneur, lui valut aussi la confiance entière et toute la faveur du cardinal et de la reine, auprès de qui il l’avoit toujours laissé dans ses retraites. Il aima mieux que son père, qui n’avoit jamais vu la cour, fût duc à brevet que lui. Il le fut après sa mort, et par degrés il devint capitaine des gens d’armes de la garde, gouverneur de Bapaume, puis du Havre-de-Grâce, et de la Rochelle et pays d’Aunis, capitaine général, général de l’armée d’Italie et en Catalogne avec succès, ambassadeur plénipotentiaire vers les princes d’Italie, chevalier de l’ordre en 1661, enfin maréchal en 1675.

Il servit beaucoup sous M. le Prince, qui l’estimoit fort, et il mourut gouverneur de M. le duc de Chartres, 5 février 1685, n’y ayant pas été deux ans, et n’en ayant que soixante-cinq. C’étoit un grand homme, maigre, jaune, poli, qui ne lais soit pas d’avoir des dits et des naïvetés étranges, et qui était ignorant. Il fut un jour étrangement rabroué par M. le Prince qui étoit fort en peine en