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le comte de Fiesque la pressa de nommer cette personne en qui tant de choses réparoient la naissance ; la comtesse lui dit que c’étoit la fille de Jacquier, qui étoit un homme connu de tout le monde, et qui s’étoit acquis l’estime et l’affection de M. de Turenne, les armées duquel il avoit toujours fournies de vivres, et s’étoit enrichi. Voilà le comte de Fiesque à rire de tout son cœur, et la comtesse à lui demander, en colère, de quoi il riait, et s’il trouvoit ce parti si ridicule. Le fait étoit que Jacquier n’eut jamais d’enfants. La comtesse, bien surprise, pense un moment, avoue qu’il a raison, et ajoute en même temps que c’est le plus grand dommage du monde, parce que rien ne lui eût tant convenu. Elle était pleine de semblables disparates qu’elle soutenoit avec colère, puis en riait la première. On disoit d’elle qu’elle n’avoit jamais eu que dix-huit ans. Elle était veuve, dès 1640, de M. de Piennes-Brouilly, tué à Arras, dont elle n’eut qu’une fille, mère de Guerchy. Les Mémoires de Mademoiselle, avec qui elle passa toute sa vie, souvent en vraies querelles pour des riens, et sans toutefois pouvoir se passer l’une de l’autre, la font très-bien connoître. Elle n’eut ni frères ni sœurs, et son père étoit aîné de celui de Beuvron.

Une autre mort fit plus de bruit, et laissa un grand vide pour le conseil et pour les honnêtes gens, ce fut celle de Pomponne, fils du célèbre Arnauld d’Andilly, et neveu du fameux M. Arnauld. Cette famille illustre en science, en piété et par beaucoup d’autres endroits, n’a pas besoin d’être expliquée ici ; elle l’est par tant de beaux ouvrages que je m’en tiendrai ici à M. de Pomponne. M. d’Andilly, par ses emplois et par l’amitié dont la reine mère l’honoroit avant et même depuis sa retraite à Port-Royal des Champs, malgré les tempêtes du jansénisme, fit employer son fils dès sa première jeunesse en plusieurs affaires importantes en Italie, où il fit des traités et conclut des ligues avec plusieurs princes. Son père, extrêmement aimé et estimé, lui donna