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Elle étoit portée pour des incidents au conseil des parties. Le roi fit en cette occasion ce qu’il n’avoit jamais fait auparavant ni ne fit depuis. Il prit parti pour M. de Bouillon, fit mander de sa part par Pontchartrain à Maboul, maître des requêtes, de rapporter sans délai, et dit lui-même au duc d’Albret qu’il ne vouloit que justice entre lui et son père, mais qu’il vouloit couper court aux procédures et aux procédés, et protéger son père, qui étoit un de ses plus anciens domestiques, et qui l’avoit toujours bien servi. On peut imaginer si après ces déclarations M. de Bouillon fut lui-même bien servi par ses juges, et quel tour prit son affaire dans le monde, où le duc d’Albret n’osa presque se montrer de fort longtemps.

Le gros Saint-Vallier qui avoit été longtemps capitaine de la porte, et qui après avoir vendu au frère du P. de La Chaise, s’étoit retiré en son pays de Dauphiné, mourut à Grenoble. Sa femme, belle, spirituelle et galante, y régnoit sur les cœurs et sur les esprits. Elle avoit été fort du monde, et en étoit devenue le centre dans cette province, d’où on ne la revit presque plus à Paris, où elle avoit conservé des amis, et à la cour.

Le duc de Montbazon mourut aussi dans les faubourgs de Liège, où il était enfermé depuis bien des années dans une abbaye. Le prince de Guéméné son fils devint par sa mort duc de Montbazon, et se fit recevoir au parlement. Il fut le premier qui, devenant duc, n’en prit pas le nom et conserva le sien. Ce fut un raffinement de princerie. On en rit et on le laissa faire.

Le marquis de Mirepoix mourut en ce même temps. Il étoit dans les mousquetaires noirs, médiocre emploi pour un homme de sa naissance, mais il étoit fort mal à son aise, et ne laissa point d’enfants de la fille aînée de la duchesse de La Ferté. Il étoit de mes amis. C’étoit un homme d’honneur et de valeur. J’avois été presque élevé avec son frère, beaucoup plus jeune que lui.

La maréchale de Duras, sœur du duc de Ventadour, l’avoit pris chez elle comme son fils, et