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tours par rapport à Mme la duchesse de Bourgogne, et je m’en allai après chez le duc de Rohan, comme je l’avois promis. Ma conversation avec le roi avoit déjà couru partout, à cause de l’heure indue où je Pavais eue. Ils ne m’attendoient plus, et avoient envoyé chez moi le fils du duc de Rohan pour tâcher d’en apprendre quelque chose. Ils me pressèrent là-dessus. La présence du duc d’Albret me retint, et celle encore de la comtesse d’Egmont. Enfin, après bien des assurances et des instances, il fallut les satisfaire, et je m’y portai pour donner courage au duc de Rohan. Ce qu’il fallut essuyer de disparates de sa part rie se peut imaginer, avec une déraison surnageante à désoler. À la fin pourtant il promit de parler au roi le lendemain, comme nous le voulions, et je les quittai là-dessus à trois heures après minuit.

Le lendemain de bonne heure je retournai voir le maréchal de Boufflers pour qu’il instruisît M. de Noailles, et je fus rendre compte de ma soirée à M. le maréchal de Lorges qui n’en savoit pas un mot, et à qui jusque-là je n’avois pas eu le temps d’en parler. Il alla aussi dire au roi ce dont je venois de le prier, et cependant je me montrai fort chez le roi, où je vis le maréchal de Villeroy très-animé, tout ami intime qu’il fût des trois frères et beau-frère de l’aîné. J’envoyai cependant messager sur messager au duc de Rohan pour l’avertir des moments et le presser de venir. Enfin il arriva, comme le roi alloit sortir de la messe. Il se mit à la porte du cabinet et quelques ducs avec lui. Comme le roi approcha, il s’avança. Le roi le fit entrer et le mena à la fenêtre de son cabinet, et la porte se ferma aussitôt, en sorte qu’il demeura seul avec le roi. Les maréchaux de Villeroy, Noailles, Boufflers et quelques autres ducs se tinrent à la porte. Je crus en avoir assez fait, et je regardois de la cheminée du salon toute cette pièce entre eux et moi, mais dans la même. Cela dura près d’un petit quart d’heure. Le duc de Rohan sortit fort animé, le duc de Noailles ne fit qu’entrer et sortir pour prendre l’ordre, et tous vinrent à