Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 2.djvu/229

Cette page n’a pas encore été corrigée

beau et fort bien fait dans sa première jeunesse, et en a conservé les restes toute sa vie.

Il plut fort au bon cardinal ; il voulut en prendre soin, il le fit chanoine de l’église de Montpellier, où il fut ordonné prêtre en 1674 après avoir fait à Paris des études telles quelles dans un grenier de ces petits collèges à bon marché. Le cardinal Bonzi, qui étoit grand aumônier de la reine, se fit une affaire de lui en faire avoir une charge d’aumônier, ce qui parut assez étrange.

Sa figure adoucit les esprits ; il se trouva discret, doux, liant ; il se fit des amies et des amis, et se fourra dans le monde sous la protection du cardinal Bonzi. La reine mourut et le cardinal obtint pour lui une charge d’aumônier du roi. On en cria beaucoup, mais on s’accoutume à tout. Fleury respectueux et d’un esprit et d’une humeur qui avoit su plaire, d’une figure qui plaisoit peutêtre encore plus, d’une modestie, d’une circonspection, d’une profession qui rassuroit, gagna toujours du terrain, et il eut la fortune et l’entregent d’être d’abord souffert, puis admis, dans les meilleures compagnies de la cour, et de se faire des protecteurs ou des amis illustres des personnages principaux en hommes et en femmes dans le ministère et dans les premières places ou dans le premier crédit. Il étoit reçu chez M. de Seignelay ; il ne bougeoit de chez M. de Croissy, puis de chez M. de Pomponne et M. de Torcy, où, à la vérité, il étoit comme ailleurs sans conséquence, et suppléoit souvent aux sonnettes avant qu’on en eût l’invention. Le maréchal et la maréchale de Villeroy l’avoient très-souvent, les Noailles extrêmement, et il eut le bon esprit de se lier étroitement avec ce qu’il y avoit de meilleur et de plus distingué parmi les aumôniers du roi, comme les abbés de Beuvron et de Saint-Luc, et avec d’autres de son métier qui lui faisoient honneur. Le maréchal de Bellefonds, le vieux Villars, Mme de Saint-Géran, M. et Mme de Castries, il ne sortoit point de chez eux, et passoit ainsi une vie très-agréable et très-honorable pour lui ; mais le roi n’avoit pas tort de n’y