Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 2.djvu/222

Cette page n’a pas encore été corrigée

qualité qui l’ont vu. Ces tracasseries firent que M. le Grand et les trois autres qui avoient compté accompagner M. et Mme de Lorraine jusqu’à Nancy prirent congé d’eux à leur départ de Bar, et s’en revinrent. Mme de Lislebonne et ses filles allèrent avec eux, et y passèrent l’hiver. Le roi ne laissa pas de trouver ce dossier fort mauvais devant sa nièce, et M. d’Elbœuf, qui alla à Nancy quelque temps après que M. et Mme de Lorraine y furent établis, en sut bien faire sa cour et dire au roi qu’il se garderoit bien, devant Mme de Lorraine, de prendre un autre siège qu’un ployant, qui est ce que les petites-filles de France donnent ici aux ducs et aux princes étrangers. M. le Grand en fut fort piqué.

Le jour du mariage, Couronges présenta, de la part de M. de Lorraine, son portrait enrichi de diamants à Torcy, qui avoit dressé le contrat de mariage.

On fut surpris de la couronne qui surmontoit ce portrait ; elle étoit ducale, mais fermée par quatre bars, ce qui, aux fleurs de lis près, ne ressembloit pas mal à celle que le roi avoit fait prendre à Monseigneur. Ce fut une invention toute nouvelle que ses pères n’avoient pas imaginée, et qu’il mit partout sur ses armes. Il se fit donner en même temps l’altesse royale par ses sujets, que nul autre ne lui voulut accorder, qui fut une autre nouvelle entreprise, et Meuse qu’il envoya remercier le roi de sa part, après son mariage, n’osa jamais lui en donner ici. Je ne sais s’il voulut chercher à s’égaler à M. de Savoie, et sa chimère de Jérusalem à celle de Chypre, mais M. de Savoie en avoit au moins quelque réalité par le traitement d’ambassadeur de tête couronnée déféré aux siens à Rome, à Vienne, en France, en Espagne, et partout où jamais on n’avoit ouï parler de simples ambassadeurs de Lorraine. Cette clôture de couronne, pour être ingénieuse et de forme agréable pour un orfèvre, étoit mal imaginée. M. de Lorraine, comme duc de Lorraine, étoit un très-médiocre souverain, mais souverain pourtant sans dépendance ; comme duc de Bar, il l’étoit aussi, mais mouvant et dépendant de la couronne, et