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tant qu’on peut l’être, fut tout aussitôt occupé de ce que pourroit être devenu D. Gervaise. Il le fit chercher partout, et il fut longtemps dans la crainte qu’il ne se fût allé jeter dans les étangs dont la Trappe est environnée. À la fin on le trouva caché sur les voûtes de l’église, prosterné et baigné de larmes. Il se laissa amener devant M. de la Trappe, à qui il avoua ce qu’il ne pouvoit lui cacher. M. de la Trappe, qui vit sa douleur et sa honte, ne songea qu’à le consoler avec une charité infinie, en lui laissant pourtant sentir combien il avoit besoin de pénitence et de séparation. Gervaise entendit à demi-mot, et dans l’état où il se trouvoit, il offrit sa démission. Elle fut acceptée. On manda un notaire à Mortagne, qui vint le lendemain, et l’affaire fut consommée. M. du Charmel, qui étoit fort bien avec M. de Paris, reçut par un exprès cette démission, avec une lettre de D. Gervaise à ce prélat, qu’il prioit de présenter sa démission au roi.

Il étoit arrivé deux choses depuis fort peu qui causèrent un étrange contretemps : l’une, que la conduite de D. Gervaise à l’égard de M. de la Trappe et de sa maison, qui commençoit à percer, lui avoit attiré une lettre forte du P. de La Chaise de la part du roi ; l’autre, qu’il avoit étourdiment accepté le prieuré de l’Estrée auprès de Dreux, pour y mettre des religieux de la Trappe sans la participation du roi, ce qui d’ailleurs ne pouvoit qu’être nuisible par beaucoup de raisons ; mais la vanité veut toujours s’étendre et faire parler de soi. Le roi l’avoit trouvé très-mauvais, et lui avoit fait mander par le P. de La Chaise de retirer ses religieux, qui y avoit ajouté la mercuriale que ce trait méritoit. À la première, il répondit par une lettre, qu’il tira de l’amour de M. de la Trappe pour la continuation de ses souffrances, telle que D. Gervaise la voulut dicter ; à la seconde, par une soumission prompte et par beaucoup de pardons. Ce fut donc en cadence de ces deux lettres, et fort promptement après, qu’arriva la démission