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On a vu en son temps le mariage du fils unique de M. de Pontchartrain avec une sœur du comte de Roucy, cousine germaine de Mme de Saint-Simon. Ils ne l’avoient désirée que pour l’alliance, et par la façon dont ils en usèrent pour tous ses proches, toutefois en trayant, ils firent tout ce qu’il falloit pour en profiter. Il n’y en eut point qu’ils recherchassent autant que Mme de Saint-Simon, et qu’ils désirassent tant lier avec leur belle-fille. Elle se trouva très-heureusement née, avec beaucoup de vertu, de douceur et d’esprit, toute Roucy qu’elle étoit, beaucoup de sens et de crainte de se méprendre et de mal faire, ce qui lui donnoit une timidité bienséante à son âge. Avec cela, pour peu qu’elle fût en quelque liberté, toutes les grâces, tout le sel, et tout ce qui peut rendre une femme aimable et charmante, et avec le temps une conduite, une connoissance des gens et des choses, un discernement fort audessus d’une personne nourrie dans une abbaye à Soissons, et tombée dans une maison où dans les commencements elle fut gardée à vue, ce qu’elle eut le bon esprit d’aimer, et de s’attacher de cœur à tout ce à quoi elle le devoit être. La sympathie de vertus, de goûts, d’esprits, forma bientôt entre elle et Mme de Saint-Simon une amitié qui devint enfin la plus intime, et la confiance la plus sans réserve qui pût être entre deux sœurs. M. et Mme de Pontchartrain en étoient ravis. Je ne sais si cette raison détermina M. de Pontchartrain ; mais sur la fin de l’hiver de cette année, l’étant allé voir dans son cabinet, comme depuis ce mariage j’y allois quelquefois mais pas fort souvent à ces heures-là de solitude, après un entretien fort court et fort ordinaire, il me dit qu’il avoit une grâce à me demander, mais qui lui tenoit au cœur de façon à n’en vouloir pas être refusé. Je répondis comme je devois à un ministre alors dans le premier crédit et dans les premières places de son état. Il redoubla, avec cette vivacité et cette grâce pleine d’esprit et de feu qu’il mettoit à tout quand il vouloit, que tout ce que