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encore davantage. M. de Meaux, dans les premières crises de la dispute, lui envoya ses premiers écrits, ceux que M. de Cambrai publia d’abord, et en même temps les Maximes des saints ; il le pria d’examiner ces différents ouvrages, et, sans en faire un lui-même dont il n’avoit ni le temps ni la santé, de lui mander franchement, et en amitié, ce qu’il en pensoit. M. de la Trappe lut attentivement tout ce que M. de Meaux lui avoit envoyé. Tout savant et grand théologien qu’il fût, le livre des Maximes des saints l’étonna et le scandalisa beaucoup. Plus il l’étudia, et plus ces mêmes sentiments le pénétrèrent. Il fallut enfin répondre après avoir bien examiné. Il crut répondre en particulier et à son ami ; il compta qu’il n’écrivoit qu’à lui, et que sa lettre ne seroit vue de personne. Il ne la mesura donc point comme on fait un jugement, et il manda tout net à M. de Meaux, après une dissertation fort courte, que si M. de Cambrai avoit raison, il falloit briller l’Évangile, et se plaindre de Jésus-Christ, qui n’étoit venu au monde que pour nous tromper.

La force terrible de cette expression étoit si effrayante, que M. de Meaux la crut digne d’être montrée à Mme de Maintenon, et Mme de Maintenon, qui ne cherchoit qu’à accabler M. de Cambrai de toutes les autorités possibles, voulut absolument qu’on imprimât cette réponse de M. de la Trappe à M. de Meaux.

On peut imaginer quel triomphe d’une part, et quels cris perçants de l’autre.

M. de Cambrai et ses amis n’eurent pas assez de voix ni de plumes pour se plaindre, et pour tomber sur M. de la Trappe, qui de son désert osoit anathématiser un évêque, et juger de son autorité, et de la manière la plus violente et la plus cruelle, une question qui étoit déférée au pape, et qui était actuellement sous son examen. Ils en firent même faire des reproches amers à M. de la Trappe ; et de là, éclatèrent contre lui.

M. de la Trappe fut très-affligé de l’impression de sa lettre, et de se voir sur la scène, au moment qu’il s’en étoit