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habillé allant à l’autel. D’autres aventures l’avoient déjà perdu auprès du roi pour être évêque. Il étoit fort connu et fort méprisé. Il ne porta pas loin le châtiment de son dernier crime, et la vengeance du pauvre abbé de Caudelet qui fut plaint de tout le monde.

Le président Talon alla aussi en l’autre monde voir s’il est permis de souffler le froid et le chaud comme M. de Luxembourg le lui avoit fait faire.

Lamoignon eut sa charge de président à mortier, et Portail eut la sienne d’avocat général où il brilla plus que lui, et s’y fit beaucoup de réputation d’éloquence et d’équité. Ce n’est pas qu’il ne fût fils de notre rapporteur, plus que très-favorable à M. de Luxembourg, mais il faut dire la vérité.

Mme de Sillery mourut à Liancourt, où elle étoit retirée depuis un grand nombre d’années. Elle étoit sœur du père de M. de La Rochefoucauld, qui avoit tant figuré avec Mme de Longueville dans le parti de M. le Prince, et qui eut tant d’esprit et d’amis. Sa sœur en avoit aussi beaucoup, mais rien vaillant ; ce qui fit son mariage. Elle se trouva mal mariée, et ne parut point à la cour. M. de Sillery avoit aussi beaucoup d’esprit, mais nulle conduite, et se ruina en fils de ministre, sans guerre ni cour. Il ne laissoit pas d’être fort dans le monde et désiré par la bonne compagnie. Il alloit à pied partout faute d’équipage, et ne bougeoit de l’hôtel de La Rochefoucauld ou de Liancourt avec sa femme, qui s’y retira dans le désordre de ses affaires, longtemps avant la mort de son mari. Elle étoit fort considérée de ses neveux, et assistée de tout. Puysieux, qu’on vient de voir ambassadeur en Suisse, le chevalier de Sillery, écuyer de M. le prince de Conti, et l’évêque de Soissons, étoient ses enfants. Sillery, leur père, étoit petit-fils du chancelier de Sillery et fils de Puysieux, secrétaire d’État, chassé avec le chancelier dès 1640, et mort en disgrâce, et de cette fameuse Mme de Puysieux si bien avec la reine mère, si comptée et si impérieuse avec le monde, et qui mangea à