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du roi, et la vit fort, tant qu’il fut à Paris. Le roi prit même quelque soin de sa conduite. Il chargea Albergotti, à cause du pays, de se tenir presque toujours auprès de lui, et de prendre garde à lui faire voir bonne compagnie. Il demeura peu en ce pays-ci, d’où il passa en Allemagne chez la princesse de Saxe-Lauenbourg, son épouse, avec laquelle il se brouilla depuis à ne se jamais revoir. Le frère du duc de Parme demeura presque toute l’année.

Je me souviens qu’à Fontainebleau, où on se donne plus qu’ailleurs de grands repas les uns aux autres, le cardinal d’Estrées, logé à la chancellerie, lui en voulut donner un où il pria beaucoup de gens distingués de la cour. Il me pria aussi, et j’y trouvai de plus ce qu’il avoit lors de sa plus proche famille, pour lui aider à faire les honneurs au prince de Parme ; mais il arriva que nous fîmes le festin sans lui. Le cardinal qui allant et venant avoit prié depuis plusieurs jours les gens qu’il voulut à mesure qu’il les avoit rencontrés, n’avoit oublié que le prince de Parme. Le matin du repas le souvenir lui en vint ; il demanda quel de ses gens l’avoit été inviter de sa part, il se trouva qu’il n’en avoit chargé aucun. Il y envoya vitement, mais il arriva que le prince de Parme étoit engagé et pour plusieurs jours. On plaisanta beaucoup le cardinal pendant le repas de cette rare distraction. Il en avoit souvent de pareilles.

Le roi, à la prière de M. de Savoie, envoya enlever Mlle de Carignan par un lieutenant de ses gardes du corps à l’hôtel de Soissons, qui la mena aux Filles de Sainte-Marie dans un carrosse de l’ambassadeur de Savoie. En même temps l’électeur de Bavière en fit autant à Bruxelles, où il fit conduire dans un couvent Mlle de Soissons de chez sa mère. Leur conduite étoit depuis longtemps tellement indécente, et leur débauche si prostituée que M. de Savoie ne put plus supporter ce qu’il en apprenoit. Quelque temps après il envoya une dame de Savoie ici où Mlle de Soissons se devoit rendre, pour les conduire toutes deux dans ses