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à coup sûr, mais piqué de la prostitution publique à la vue de la cour de Saint-Germain, il ne put se refuser cette mortification au triomphant ambassadeur de l’usurpateur qui avoit attaché à son char jusqu’à M. de Lauzun, malgré ses engagements et son attachement au roi et à la reine d’Angleterre, et sans y pouvoir gagner que de la honte, pour suivre la mode et croire faire sa cour au roi.

Enfin Portland, comblé en toutes les manières possibles, se résolut au départ.

La faveur naissante du duc d’Albemarle l’inquiétoit et le hâta. M. le Prince le pria de passer à Chantilly, et il lui donna une fête magnifique avec ce goût exquis qui, en ce genre, est l’apanage particulier aux Condé. De là Portland continua son chemin par la Flandre ; non seulement il eut la permission du roi d’y voir toutes les places qu’il voudroit, mais il le fit accompagner par des ingénieurs avec ordre de les lui bien montrer. Il fut reçu partout avec les plus grands honneurs, et eut toujours un capitaine et cinquante hommes de garde.

Le bout d’un si brillant voyage fut de trouver à sa cour un jeune et nouveau compétiteur qui prit bientôt le dessus, et qui ne lui laissa que les restes de l’ancienne confiance, et le regret d’une absence qui l’avoit laissé établir. Sur son départ de Paris, il avoit affecté de répandre que tant que le roi Jacques seroit à Saint-Germain la reine d’Angleterre ne seroit point payée du douaire qui lui avoit été accordé à la paix, et il tint parole.

Avant de quitter les étrangers, je ferai une courte mention du voyage que vinrent faire en France, les premiers mois de cette année, le frère du duc de Parme qui y fut incognito, et quelque temps après le prince Gaston, second fils du grand-duc, par la singularité qu’ils furent tous deux les deux derniers ducs de Parme et de Toscane. Ce dernier garda aussi l’incognito, mais ce nonobstant le roi voulut le distinguer, et qu’il baisât Mme la duchesse de Bourgogne ; il étoit fils de Mme la grande-duchesse, cousine germaine