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là, sans doute, le sublime de la mystification. Ne semblerait-il pas voir des hommes qui se

    tel penchant doit être réprimé sévèrement partout où il existe ; elle consiste au contraire à développer, sans entraves et avec toute l’extension possible, une capacité temporelle ou spirituelle utile à l’association.

    Observons en outre qu’à mesure que la civilisation fait des progrès, la division du travail, considérée au spirituel comme au temporel, et sous le point de vue le plus général, augmente dans la même proportion. Il en résulte, de toute nécessité, que les hommes dépendent moins les uns des autres individuellement, mais que chacun d’eux dépend davantage de la masse, exactement selon le même rapport. Or, l’idée vague et métaphysique de liberté, telle qu’elle est en circulation aujourd’hui, si on continuait à la prendre pour base des doctrines politiques, tendrait éminemment à gêner l’action de la masse sur les individus. Sous ce point de vue, elle serait contraire au développement de la civilisation et à l’organisation d’un système bien ordonné, qui exige que les parties soient fortement liées à l’ensemble et dans sa dépendance.

    Je ne parle point de la liberté politique, parce qu’il est trop évident qu’elle peut bien moins encore que la liberté individuelle, être considérée comme un but d’association. Au reste, je puis faire observer à ce sujet, comme tendant à caractériser le véritable état de choses, que le droit de s’occuper des affaires publiques sans condition déterminée de capacité, conféré, en théorie, à tout citoyen comme un droit naturel, et restreint seulement dans l’exercice, mais toujours sans condition de capacité, est la preuve la plus complète et la plus palpable du vague et de l’incertitude où sont encore plongées les idées politiques. Aurait-on jamais pu songer, sans cette cause, à déclarer en termes détournés, il est vrai, mais dont le sens n’est pas douteux, qu’il ne faut aucune capacité naturelle ou acquise pour raisonner sur la politique ?

    Pourquoi ne proclame-t-on pas que les Français qui payent mille francs de contribution directe sont aptes à faire des