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négociant au-dessus de l’homme de lettres et réciproquement, parce que les uns et les autres concourent au même but par des moyens et avec des intérêts qui leur sont particuliers ; mais vous ne pouvez mettre en balance l’utilité d’aucun d’eux avec celle de l’administrateur ou du prince, parce que l’administrateur ou le prince (j’entends ceux qui sont dignes de ce nom) se rapportent à toutes les classes de la société et s’identifient avec elles, de manière qu’il y ait en eux un peu de l’artiste, un peu de l’homme de lettres, un peu du savant, etc. Et quand vous poussez les conséquences de votre système jusqu’à vouloir que la législation et l’administration publique soient dirigées par des conseils formés des principaux artistes et des premiers savants, vous errez absolument dans le vague, et l’application possible des choses vous échappe tout à fait.

N’est-ce pas aussi, je vous prie, une capacité industrielle que celle de l’administration, capacité qui s’acquiert, comme toutes les autres, par des études spéciales et par des talents qui ne sont pas le propre de tous ? Souvent même les autres sciences, précisément parce qu’elles sont conduites fort loin. sont exclusives de celle-là, et je ne me figure rien de plus extravagant que ne le serait un Conseil d’État composé de tel ou tel de mes confrères de l’Institut, dont j’admire d’ailleurs le génie. Je sais que quelques-uns réunissent éminemment l’habileté des affaires à celle des travaux scientifiques ; je sais que, par la tendance du siècle, ces exceptions deviendront moins rares de jour en jour, et qu’un temps viendra on la culture approfondie des sciences et des arts s’alliera généralement avec celle du droit public et de l’administration dans les têtes fortement organisées ; mais c’est comme publicistes, et non comme savants, que ces citoyens devront être appelés à la participation des intérêts de l’État. il faut en toute chose, et dans la chose publique par dessus tout, des hommes qui soient capables ; et lorsque ces hommes capables sont en même temps des hommes de bien, comme l’étaient un Lhôpital, un Sully, un Malesherbes, un Turgot, il n’est aucun mérite qui puisse entrer en parallèle avec un tel mérite, aucune gloire qui ne doive s’humilier devant une telle gloire. Pourquoi la considération personnelle