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Nous devons également observer ici que la confiance du peuple pour ses nouveaux chefs spirituels est tout à fait distincte, par sa nature, de celle qu’il avait dans l’ancien système pour ses chefs théologiques ; celle-ci consistait dans une soumission d’esprit tout à fait aveugle, qui exigeait dans chaque individu une abnégation absolue de sa propre raison. La confiance dans les opinions des savants a un tout autre caractère. C’est l’assentiment donné à des propositions sur des choses susceptibles de vérification, propositions admises à l’unanimité par les hommes qui ont acquis et prouvé la capacité nécessaire pour en juger.

À la vérité le fait est admis sans preuves, mais il n’est admis de cette manière que par la raison qu’on se juge incapable de suivre les démonstrations qui établissent ces vérités. Cette confiance renferme toujours implicitement la réserve expresse du droit de contradiction, en cas de nouvelles démonstrations produites, qui prouvent qu’elle est mal fondée, ou de lumières suffisantes acquises par le croyant pour combattre les opinions reçues. Le peuple est donc loin de renoncer par là au libre exercice de sa raison.