Page:Saint-Simon - Œuvres, vol. 4-5.djvu/144

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

masse, sous les nouveaux chefs temporels et spirituels.

Il faut qu’une population ait acquis un certain degré de capacité temporelle et spirituelle, pour pouvoir vivre sous un système d’ordre social, où elle n’est pas soumise, quant au temporel, à l’empire de la force physique, et quant au spirituel à celui des croyances aveugles. L’homme qui, n’a pas contracté au temporel certaines habitudes d’ordre, d’économie et d’amour du travail, et qui au spirituel ne possède pas un certain degré d’instruction et de prévoyance, est hors d’état d’être émancipé ; il a indispensablement besoin d’être mené à la lisière. Il en est de même d’un peuple ; tant qu’il n’a pas rempli ces conditions, il ne saurait être gouverné autrement que d’une manière arbitraire. C’est ainsi, par exemple que les serfs de Russie, qui dans un pressant besoin mangent le blé de semence, sont encore incapables même de jouir de la liberté individuelle. Tenter leur émancipation avant qu’ils aient contracté de meilleures habitudes, serait une véritable absurdité qui ne saurait avoir de succès. Tandis qu’en France, où la masse entière de la nation sait souffrir la faim à côté du blé de semence sans y toucher, le peuple n’a plus besoin