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racheter successivement la majeure partie de l’autorité qui pesait sur elles.

Enfin, elles devaient compter aussi que, par l’accroissement successif de la capacité industrielle et de la capacité scientifique, elles acquerraient une force progressivement croissante, qui leur permettrait peu à peu de traiter d’égal à égal avec leurs dominateurs, et plus tard même de prendre le dessus vis-à-vis d’eux, ce qui est effectivement devenu possible aujourd’hui.

Les fous furieux, tels que Charles XII, Bonaparte et autres héros de la même espèce, qui font consister tout leur bonheur à exercer une autorité arbitraire seulement pour le plaisir de l’exercer sont heureusement des anomalies très-rares dans la nature humaine. Si la plupart des hommes désirent le pouvoir quand il est à leur portée, ce n’est point comme but, mais comme moyen. C’est bien moins par amour de la domination[1], que parce qu’ils trouvent commode, pour leur paresse et leur incapacité, de faire travailler les autres à leur procurer des jouissances, au lieu de coopérer à ce travail.

  1. Cet amour de la domination, qui est certainement indestructible dans l’homme a été cependant annulé en grande-partie par les progrès de la civilisation, ou, au moins, ses