Page:Saint-Simon - Œuvres, vol. 4-5.djvu/118

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans la série précédente, considéré ce développement sous le premier rapport. Nous allons maintenant nous occuper exclusivement de le suivre et de l’étudier sous le second rapport.

Il serait certainement absurde de penser que l’organisation successive du nouveau système a été conduite par les savants et les artistes, par les artisans, ainsi que d’après un plan prémédité, suivi d’une manière invariable depuis le xie siècle jusqu’à nos jours. A aucune époque, le perfectionnement de la civilisation n’a obéi à une marche ainsi combinée, conçue d’avance par un homme de génie et adoptée par la masse[1]. Cela

  1. La grande erreur des législateurs et des philosophes de l’antiquité a consisté précisément à vouloir assujettir la marche de la civilisation à leurs vues systématiques, tandis que leurs plans auraient dû au contraire lui être subordonnés. Cette erreur, du reste, a été très-excusable et très-naturelle de leur part, car, à cette époque, les hommes étaient encore trop près de l’origine de la civilisation pour avoir pu observer que la civilisation suit une marche, pour avoir pû reconnaître la marche qu’elle suit, et à plus forte raison pour avoir pu s’apercevoir que cette marche est hors de notre dépendance.

    On ne pouvait évidemment arriver à cette vérité que à posteriori et non à priori. En d’autres termes, la politique ne pouvait devenir une science qu’en se basant sur des observations, et il ne pouvait exister d’observations qu’après une durée de civilisation très-prolongée. Il fallait l’établissement d’un système d’ordre social, admis par une population très-nombreuse, et composé de plusieurs grandes nations, et toute la durée possible de ce système, pour qu’une théorie pût se fonder sur cette grande expérience.