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avec un seul accord dissonant, comme dans le chœur : O ma vigne, pourquoi me devenir amère ?

Ceci n’est pas pour blâmer les génies qui prennent l’art à pleine mains, emploient à profusion toutes ses ressources. Je ne suis pas de ceux qui, admirant Ingres, croient devoir mépriser Delacroix et réciproquement. Prendre les grands artistes tels qu’ils sont, les étudier dans leur tempérament et dans leur nature, me paraît être en critique le seul moyen équitable. Ceci posé, il me sera permis de dire que ma préférence est pour la sobriété des moyens, quand elle n’entraîne pas la pauvreté des résultats ; car, en art, le résultat est tout. « Les lois de la morale régissent l’art, » a dit Schumann. Cela est fort joli ; mais ce n’est pas vrai. En morale, l’intention peut justifier bien des choses ; en art, les meilleures intentions ne sont bonnes qu’a paver l’enfer : l’œuvre est réussie, ou elle est manquée ; le reste est de nulle importance.

Nous parlions tout à l’heure des primitifs ; c’est encore à eux qu’il faudrait se reporter pour trouver une impression de naïveté et de fraîcheur analogue à celle que fait éprouver l’épisode des Saintes Femmes au Tombeau, couronné par le merveilleux solo de soprano avec chœurs : Tes bontés paternelles. Il y a là comme un ressouvenir de Mendelssohn, à qui, pour être juste, il convient de reporter la première tentative de transformation de l’oratorio dans le sens moderne. Ce qui appartient en propre à Gounod, c’est le profond sentiment