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prétention de l’être ; et cependant son texte est irréprochable, s’appuyant toujours sur l’Écriture, admirablement écrit pour la musique, cela va sans dire ; d’une naïveté voulue, mais non cherchée, et qui n’exclut ni la correction ni l’éclat.

Quant à l’exécution de la partie musicale, on ne peut en exprimer, avec des mots, une idée claire ; mais on peut expliquer en quoi les procédés de Gounod diffèrent de ceux des grands maîtres du passé ; car la différence est profonde. Dans l’oratorio tel que nous l’a laissé l’ancienne tradition, des récitatifs plus ou moins dénués d’intérêt racontent le sujet de la « pièce » ; de temps en temps, le récit s’interrompt et un air ou un chœur fait une sorte de commentaire sur ce qui précède. Rien de pareil ici. Bien que l’auteur ait donné libre cours à son riche tempérament mélodique, les récits sont dans certains cas la partie la plus attachante de l’œuvre. Ceux qui ont eu la bonne fortune d’entendre M. Faure interpréter Rédemption n’ont pas oublié l’intensité d’expression de plusieurs récitatifs, parfois renfermés dans quelques notes ; la mélodie la plus pénétrante n’émeut pas plus profondément.

Le morceau le plus étonnant de Rédemption est peut-être la marche au Calvaire ; c’est un morceau sans précédent, dont la haute originalité n’a pas été, a ce qu’il semble, appréciée à sa valeur. On s’est buté contre la vulgarité calculée de la marche instrumentale, sans voir que le musicien avait reproduit dans cette large peinture un effet fréquent