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VI

« Les Théâtres sont les mauvais lieux de la Musique, et la chaste Muse qu’on y traîne n’y peut entrer qu’en frémissant. » Il y a du vrai dans cette boutade, que Berlioz n’aurait peut-être pas écrite si la Scène lui eût été moins hostile : elle et lui n’ont jamais pu s’entendre, et cependant le mal qu’il en pensait ne l’a jamais empêché de la désirer. On connaît ses efforts infructueux pour faire arriver les Troyens à l’Opéra, tellement à court de nouveautés en ce temps-là qu’il en fut réduit à une adaptation du Roméo de Bellini, renforcé par Dietsch de cuivres et de coups de grosse caisse, sur la demande expresse de la direction. Ce fait d’avoir préféré aux Troyens une chose quelconque sera la honte éternelle de l’Académie impériale de Musique, dont le Prophète, Faust, l’Africaine ont été les gloires. L’horreur inspirée par Berlioz au monde des théâtres est bizarre et difficile à expliquer….. Quant à la chaste Muse, elle devrait se dire que l’absolu n’est pas de ce monde, et que ce n’est pas au théâtre qu’il faut l’aller chercher. On en approche à Bayreuth ; mais Bayreuth n’est pas un théâtre : Bayreuth est un temple.

Un temple ! c’est bien le lieu où la chaste Muse, quand elle n’y est pas méconnue, peut entrer