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sique à la mienne. Je n’écrivis pas une note et n’entendis plus parler de rien.

On a beaucoup disserté sur la façon dont les auteurs de Faust avaient compris le rôle de Marguerite. Ce sujet de Faust, marqué par Gœthe d’une si forte empreinte, ne lui appartient pas tout à fait ; d’autres l’avaient traité avant lui et chacun peut le reprendre à sa façon : dernièrement encore, dans Futura, Auguste Vacquerie lui donnait une forme nouvelle. Le Faust de Gœthe, depuis longtemps connu en France, avait été popularisé par les tableaux d’Ary Scheffer, et si l’on avait présenté au public la vraie Marguerite du poète, il ne l’eût pas reconnue. C’est que la Gretchen du fameux poème n’est pas une vierge de missel ou de vitrail, l’idéal rêvé, enfin rencontré ; Gretchen, c’est Margot, et du lin qu’elle file pourraient être tissés les « torchons radieux » de Victor Hugo. Faust a passé sa vie dans les grimoires et les cornues, sans connaître l’amour ; il retrouve sa jeunesse d’écolier, et la première fille venue lui semble une divinité. Elle lui parle de la maison, du ménage, des choses les plus terre à terre, et l’enchante. C’est un trait de nature : l’homme sérieux, l’esprit supérieur s’éprend volontiers d’une maritorne. Ce caractère du rôle de Gretchen me frappa vivement la première fois que je vis, en Allemagne, représenter les fragments arrangés pour la scène du Faust de Gœthe, et je m’étonnais que personne n’eût fait une étude sur ce sujet. Cette étude a été faite, depuis, par Paul