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n’y a pas de mélodie là dedans, disaient les sceptiques : ce ne sont que des souvenirs rassemblés par un érudit. » C’était ennuyeux, c’était long, c’était froid. Il fallait couper l’acte du Jardin, qui ralentissait l’action…. Oh ! ce jardin de Marguerite, qui nous le rendra ? Dans cet ancien Théâtre-Lyrique du boulevard du Temple, si barbarement démoli, la scène, large et profonde, était éminemment favorable aux décorations, et les peintres avaient brossé des chefs-d’œuvre ; jamais, depuis, l’ensemble de Faust n’a présenté un aussi grand charme. La musique était entremêlée de dialogues, et s’il n’est pas permis de regretter cette forme première, il n’en est pas moins vrai que dans certaines parties le mélange de la parole et de l’orchestre était fort pittoresque, notamment dans la scène où Méphistophélès insulte les étudiants.

Deux fragments échappèrent à l’indifférence générale : la Kermesse, grâce au « chœur des Vieillards », et le chœur des Soldats. L’acte du Jardin, s’il avait ses détracteurs, ne laissait pas de provoquer aussi des enthousiasmes. « N’eût-on aimé qu’un chien dans sa vie », me disait une charmante femme, « on doit comprendre cette musique-là ! »

Dix ans plus tard, l’œuvre définitivement acceptée, acclamée à l’étranger, entrait triomphalement à l’Opéra. Croirait-on qu’elle eut encore à vaincre, à cette occasion, quelques résistances ? Beaucoup de personnes craignaient que cette musique ne fût trop intime pour le grand vaisseau de la rue Le-