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chez les maîtres des procédés tout faits, il cherchait directement, dans l’étude des timbres, dans des combinaisons neuves, les tons nécessaires à ses pinceaux. « La sonorité, me disait-il, est encore inexplorée. » Il disait vrai : depuis ce temps, quelle floraison magique est sortie de l’orchestre moderne ! Il rêvait, pour ses chœurs de nymphes, des effets aquatiques, et il avait recours à l’harmonica fait de lamelles de verre, au triangle avec sourdine, celle-ci obtenue en garnissant de peau le battant de l’instrument. Les gens du métier savent qu’au fond, c’est surtout à la musique elle-même, à l’habile emploi de l’harmonie qu’est dû le caractère de la sonorité ; aussi est-ce particulièrement une double pédale de tierce et de quinte, changée plus tard en triple pédale par l’adjonction de la tonique, véritable trouvaille de génie, qui prête au premier chœur d’Ulysse tant de charme et de fraîcheur. Il est malheureusement impossible, avec des mots, d’en donner une idée ; je demande pardon au lecteur de ces termes techniques, compréhensibles seulement pour les musiciens.

On comptait beaucoup, au Théâtre-Français, sur la pièce nouvelle. Un orchestre complet, choisi, des chœurs excellents, de magnifiques décors, rien ne fut épargné. Le beau rideau, reproduisant le Parnasse de Raphaël, qu’on voit encore à la Comédie, avait été peint à cette occasion. Désirant passionnément pour la musique de mon grand ami le succès qu’elle méritait, je voulais que la tragédie