Page:Saint-Saëns - Portraits et Souvenirs, Société d’édition artistique.djvu/57

Cette page n’a pas encore été corrigée

où les œuvres, après avoir lutté de par le monde pour conquérir leur place au soleil, viendront goûter en paix le repos de l’immortalité.

Quand Charles Gounod, après une tentative avortée (bien heureusement pour l’art) de vie ecclésiastique, choisit définitivement la carrière musicale, celle-ci était déjà considérée comme d’un abord assez difficile. Les seuls grands concerts sérieux étant ceux du Conservatoire, inabordables pour les auteurs nouveaux, l’unique débouché était le théâtre, mais on pouvait espérer, tôt ou tard, s’y créer une place : aussi Gounod visait-il le théâtre songeant d’abord à faire le siège de l’Opéra-Comique. C’est à ce moment initial que j’eus la bonne fortune de rencontrer le jeune maître chez un de mes parents, le docteur homéopathe Hoffmann, dans le salon duquel se tenaient des réunions mondaines où Gounod était attiré par un clan de jolies femmes, clientes du docteur et admiratrices passionnées du musicien. J’avais alors dix à douze ans, lui vingt-cinq peut-être, et, par ma grande facilité musicale, par ma naïveté, mon enthousiasme, je sus attirer sa sympathie. Il écrivait, avec la collaboration d’un beau-frère de la maîtresse de la maison, un opéra-comique dont il nous chantait des fragments dans ces réunions intimes ; et déjà, dans ces timides essais, on trouvait en germe sa personnalité, le souci de la pureté, de la tenue du style, de la justesse de l’expression, ces rares qualités qu’il a portées depuis à un si haut degré. Peu après, il fut