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que possible, dans le domaine du piano, des sonorités et combinaisons orchestrales ; son procédé pour atteindre ce but, — procédé qui n’est pas à la portée de tout le monde, — consiste à substituer, dans la transcription, la traduction libre à la traduction littérale. Ainsi comprise et pratiquée, la transcription devient hautement artistique ; l’adaptation au piano, par Liszt, des Symphonies de Beethoven — par-dessus tout l’adaptation, pour deux pianos, de la neuvième — peut être regardée comme le chef-d’œuvre du genre. Pour être juste et rendre à chacun ce qui lui appartient, il faut reconnaître que la traduction pour piano des Neuf Symphonies avait été antérieurement tentée par Kalkbrenner, à qui elle fait un grand honneur, mais dont elle dépassait les forces ; ce premier essait a très probablement donné naissance au travail colossal de Liszt.

Incarnation incontestée du piano moderne, Liszt a vu, à cause de cela, jeter le discrédit sur sa musique, dédaigneusement traitée de « musique de pianiste ». La même injurieuse qualification pourrait être appliquée à l’œuvre de Robert Schumann, dont le piano est l’âme ; s’il n’a pas été qualifié ainsi, c’est que Schumann, — bien malgré lui, — n’a jamais été un brillant exécutant ; c’est qu’il n’a jamais déserté les hauteurs de l’art « respectable » pour s’amuser à des illustrations pittoresques sur les opéras de tous les pays, alors que Liszt, sans souci du qu’en-dira-t-on, semait à l’aventure, en