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Il s’en faut de beaucoup, d’ailleurs, qu’une nécessité impérieuse force les musiciens à disloquer les vers et à en faire de la prose ; ils le font le plus souvent par routine, par négligence, pour s’éviter la peine de chercher l’accord entre le texte littéraire et ce qu’ils appellent modestement leur inspiration. Parfois, en manière d’exercice, je me suis amusé à rétablir dans leur intégrité les vers détruits par le musicien, en modifiant convenablement la phrase musicale, et il s’est trouvé, presque toujours, que le passage servant d’expérience y avait gagné. Trop souvent ces mutilations barbares n’ont aucune raison d’être. Je ne citerai rien parmi les ouvrages des contemporains, mais je n’aurai qu’à prendre au hasard chez Meyerbeer, qui était atteint au plus haut degré de cette manie.

Dans le Prophète, à la place des mots :

                …..C’est la manne céleste
    Qui vient réconforter nos pieux bataillons.
    .................
    J’ai voulu les punir. — Tu les as surpassés !

Il a fait chanter :

                    ….. C’est la manne céleste
    Qui vient réconforter tous nos pieux bataillons.
    ..................
    J’ai voulu les punir. — Et tu les as surpassés.