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une déplorable négligences en tuant toute vérité et toute expression. Le mouvement romantique, en réagissant contre cet art de pacotille, n’a pas pour cela rejeté le vers, et il ne semble pas que celui-ci, depuis Eschyle jusqu’à MM. Coppée et Richepin, ait jamais fait tort aux poètes qui ont écrit pour le théâtre.

Le vers, dit-on, embarrasse les musiciens qui cherchent à s’en délivrer, le brise et en font de la prose. Est-ce bien le vers qui les gêne ? il ne paraît pas, d’après certains aveux échappés à Gounod dans ses lettres, que tout embarras disparaisse avec lui. « C’est quelquefois très difficile de donner à la prose une construction musicale… les ensembles en prose sont souvent difficiles… la plus grande difficulté est de déguiser l’irrégularité rythmique de la prose sous la régularité de la période musicale… » Je ne vois pas bien, dans tout cela, la délivrance promise ; j’y vois plutôt de nouvelles difficultés qui s’élèvent ; il paraît même qu’en certain cas elles s’élevaient assez haut pour ne pas pouvoir être surmontées ; autrement que signifierait ce passage : Je veux, avant tout, que la coupe de mon dialogue soit bien arrêtée, et j’y travaille énormément… » Gounod ne s’accommodait donc pas de la prose de Molière telle quelle, il la modifiait en l’appropriant aux nouvelles conditions qu’il lui imposait. En pareil cas, n’eût-il pas été plus respectueux de la mettre en vers, comme il avait été fait déjà pour le Médecin malgré lui ?