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d’hommes animés d’une aussi grande passion pour la musique, d’un amour de l’art aussi profond et aussi désintéressé. Il joignait au culte des maîtres du passé une noble ardeur pour le mouvement moderne ; c’est dans ses concerts qu’on a entendu pour la première fois la Symphonie romaine et le finale de Loreley de Mendelssohn (qui passait encore à cette époque pour un révolutionnaire), l’ouverture de Manfred de Schumann, l’ouverture de Tannhäuser et la marche religieuse de Lohengrin, la Fuite en Égypte de Berlioz ; c’est là qu’on a exécuté les premières œuvres de Gounod et de Bizet.

L’orchestre était composé d’excellents artistes, dont quelques-uns sont devenus célèbres ; l’enthousiasme du chef passait dans la vaillante troupe ; mais le nerf de la guerre manquait. Pasdeloup vint, soutenu par un puissant bailleur de fonds, et éleva les fameux Concerts populaires sur les ruines de la Société de Sainte-Cécile.

Il y a une légende sur Pasdeloup ; je n’ai pas la prétention de la détruire, mais cela ne n’empêchera pas d’écrire l’histoire. Avant les Concerts populaires, Pasdeloup avait commencé modestement par la Société des Jeunes Artistes, dont les concerts avaient lieu dans la salle Herz, et là, s’était montré disposé à encourager le mouvement moderne, accueillant volontiers les œuvres inédites, luttant parfois pour les exécuter contre le mauvais vouloir de son jeune et indocile orchestre. Avec les Concerts populaires, ce fut autre chose ; il s’agissait de remplir