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l’artiste, en partie de sa façon instinctive de comprendre l’art, qui constitue sa personnalité et qu’il doit précieusement respecter. Elle a le droit de persuader et de conquérir les âmes, non de les violenter.

Or, c’est précisément le contraire que nous voyons. La foi artistique s’est faite dogmatique et autoritaire ; elle lance des anathèmes, elle condamne les croyances antérieures comme des erreurs, ou les admet comme une préparation à son avènement, comme un ancien testament précurseur de la Loi nouvelle ; et comme la logique, qu’on le veuille ou non, ne perd jamais ses droits, l’intolérance, le fanatisme et le mysticisme sont accourus à la suite. Notre temps, d’ailleurs, n’est pas rebelle au mysticisme dans l’art, par un phénomène de contraste qui n’est pas sans exemple. Sous la Terreur, on se plaisait à représenter sur la scène d’innocentes bucoliques ; de même, à notre époque scientifique et utilitaire, on voit éclore, dans la littérature et dans l’art sous toutes ses formes, le goût du mystérieux et de l’incompréhensible. Se peut-il rien voir de plus étrange que l’énorme succès du théâtre annamite de l’Exposition de 1889, qui aurait fait, a-t-on dit, pour plus de trois cent mille francs de recettes ? On n’entendait que des cris de bêtes égorgées, des miaulements ressemblant tellement à ceux des chats, qu’on se demandait avec inquiétude, après les avoir entendus, si les chats n’ont pas un langage ; quant à la partie instrumentale,