Page:Saint-Saëns - Portraits et Souvenirs, Société d’édition artistique.djvu/127

Cette page n’a pas encore été corrigée

série d’œuvres théâtrales, a réussi à Dresde et fut jouée dans quelques villes ; main on paraît avoir abandonné cet ouvrage et je ne m’explique pas cette indifférence. Il est vrai que l’auteur du poème n’a pas eu, comme Michel Carré dans la Lalla-Roukh française, l’adresse de resserrer l’action en deux actes : la pièce, en trois actes, paraît languissante. Mais quelle fine couleur orientale, quel parfum capiteux d’essence de rose, quelle fraîcheur dans cette lumineuse partition !

Exécute-t-on quelque part le Paradis perdu, œuvre des premières années, que Rubinstein était occupé a terminer quand j’ai eu le bonheur de faire sa connaissance ? Il y a là un combat des anges et des démons, en style fugué, d’une animation et d’une puissance extraordinaires. A citer encore la Tour de Babel, qui a sombré à Paris sous une exécution tellement ridicule que l’auteur lui-même, assistant à ce massacre dans une avant-scène du Théâtre-Italien, ne put s’empêcher de rire en entendant les hurlements désespérés des choristes aux abois. Quelques fragments de l’œuvre avaient surnagé malgré tout et l’on aurait dû essayer, dans de bonnes conditions, une audition présentable de cette originale cantate biblique.

Rubinstein est mort confiant dans l’avenir, persuadé que le temps lui assignerait sa vraie place et que cette place serait belle. Laissons faire au temps. Les générations prochaines, ayant perdu le souvenir du pianiste écrasant et fulgurant, seront peut-