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dans l’accord parfait ». Sobre de modulations par principe, il n’en possédait pas moins l’art au plus haut degré, cet art précieux entre tous qui est la pierre de touche du grand musicien. Il avait des tonalités, de leurs rapports entre elles, des relations, attractions et répulsions harmoniques, le sens le plus fin. Il a trouvé de nouvelles résolutions de dissonances, découvert un sens nouveau à certaines dispositions d’accords. Il a demandé aux cuivres, aux instruments à percussion, des effets de douceur et de pittoresque inattendus. Comme je le priais un jour de m’expliquer certain coup de grosse caisse d’un caractère étrangement mystique, placé au début du Gloria de la Messe de Sainte-Cécile :

— C’est le coup de canon de l’Éternité, me répondit-il.

Des effets d’une étonnante invention dans leur simplicité sortaient naturellement de sa plume : telle cette gamme lente des harpes, rideau de nuages qui se lève au milieu de l’introduction de Faust pour découvrir la phrase lumineuse de la fin. Cela paraît presque naïf, et cependant personne auparavant n’avait songé à quelque chose d’analogue. Obtenir le plus grand résultat avec le moindre effort apparent possible, réduire la peinture des effets matériels a de simples indications et concentrer l’intérêt sur l’expression des sentiments, voilà les principes sur lesquels il semble s’être appuyé ; ils étaient, ils sont encore en contradiction avec les habitudes générales des compositeurs, et