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quel grand musicien illustrait la France au XIXe siècle.


VII

« Quel homme élégant que Berlioz ! » me disait un jour Gounod. Le mot est profond. L’élégance de Berlioz n’apparaît pas de prime abord dans son écriture gauche et maladroite ; elle est cachée dans la trame, on pourrait dire dans la chair même de son œuvre ; elle existe, à l’état latent, dans sa nature prodigieuse qui ne saurait nuire à aucune autre par comparaison, nulle autre ne pouvant lui être comparée. Chez Gounod, ce serait plutôt le contraire ; son écriture, d’une élégance impeccable, couvre parfois un certain fonds de vulgarité ; il est peuple par moments, et, pour cela même, s’adressant facilement au peuple, est devenu populaire bien avant Berlioz, dont la Damnation de Faust n’est arrivée à la popularité qu’après la mort de son auteur. Cette vulgarité — si vulgarité il y a — pourrait se comparer à celle d’Ingres (qu’il admirait profondément) ; c’est comme un fond de sang plébéien, mettant des muscles en contrepoids à l’élément nerveux dont la prédominance pourrait devenir un danger ; c’est l’antidote de la mièvrerie, c’est Antée retrempant ses forces en touchant le sol ;