Page:Saint-Pol-Roux - Les Reposoirs de la procession, t1, 1893.djvu/241

Cette page a été validée par deux contributeurs.


Partageons ta honte comme une assiette de cerises.
Crépusculaire inspirateur de ton péché,
N’ai-je pas fécondé le lin de ta psyché ?
Partageons ta honte comme une assiette de cerises.
N’ai-je pas dit l’écueil folâtre à ton timon
Que j’attisais d’une caresse de démon ?
Partageons ta honte comme une assiette de cerises.
Ne t’accuse donc plus d’avoir lésé mon cœur
Et vis sans redouter l’ongle de ma rancœur.
Partageons ta honte comme une assiette de cerises.
Troquons plutôt nos airs de comparution,
Seul je dois me courber sous l’Absolution.
Partageons ta honte comme une assiette de cerises.
Offrant ma tête ainsi qu’une boule à ton pié,
Me voici tout au bon vouloir de ta pitié.
Partageons ta honte comme une assiette de cerises.
Effeuille le pardon, l’outrage ou le trépas ;
Mais, quel que soit mon sort, ne m’interroge pas.
Partageons ta honte comme une assiette de cerises.
Je suis l’énigme noire au sein d’un marbre blanc
Et j’ai détruit la clef magique de mon flanc.
Partageons ta honte comme une assiette de cerises.
Qui tenterait de mettre mon mystère à nu
Ne trouverait qu’un ris de faune biscornu.

Va nous cueillir de nouvelles cerises !


(Les Filles du Calvaire. — À la fille de trahison.)