Page:Saint-Pol-Roux, Les plus belles pages (extrait Prière à l’Océan), 1966.djvu/11

Cette page n’a pas encore été corrigée

*


Dis, mon grand
Si grand qu’il me semble sombrer dans ta barbe d’écume,
Dis, mon grand si grand que me voici néant,
Vaine fourmi près d’un géant,
Dis, mon grand,
Jose, moi le veilleur à la proue du vieux monde,
T’implorer pour ceux qui labourent ton onde.
Moi je rêve, eux ils font ;
Moi j’espère, eux s’en vont ;
Poète à son corps-mort, pêcheurs larguant l’amarre,
Je bourlingue sur place, eux sur la grande tasse,
En pierre mon navire s’embosse à la Terre,
Leurs sloops et leurs dundees ce furent d’amples arbres.
Or ce bois sur ton eau, lorsque ton corps se meut,
Mieux vaudrait bien souvent le placer sur le feu.
Dès lors voudrais-tu pas, mon grand, être moins grand ?
Moins grand non pas comme abîme et surface,
Car ainsi tu perdrais ta personne et ta face
Et l’on se vanterait peut-être, nous demain,
De te loger un jour dans le creux de la main.
Mais moins grand par ta rage qui mord leur étrave,
Afin de devenir plus grand d’autre manière,
Celle qui veut un cœur au sein de la matière !
Oui, si grand dans le bon et non plus dans le pire
Que ta masse ne fût qu’un immense sourire ?

Ah ne me raille pas de tous ces becs de cormorans,
Entre la Louve et le Lion, qui volent sur un rang !…
Si tu savais l’enchantement de la caresse
À donner en offrande au lieu de la détresse !
Si tu savais combien en place de paquets,
Il est plus doux d’offrir sa nature en bouquets !