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Trois de nos jeunes gens & une jeune fille se donnèrent la mort ; j’exhortois Ellaroé à les imiter ; mais le plaisir d’aimer & d’être aimée, l’attachoit à la vie. Les Portugais lui firent entendre qu’ils nous destinoient un sort aussi heureux que celui dont nous avions jouï. Elle espéra du moins que nous resterions unis, & qu’elle retrouveroit son père. Après avoir pleuré pendant quelques jours la perte de notre liberté, le plaisir d’être presque toujours ensemble, fit cesser les larmes d’Ellaroé & adoucit mon désespoir.

Dans le peu de moments que nous n’étions point gênés par la présence de nos bourreaux, Ellaroé me pressoit dans ses bras, & me disoit : O mon ami, appuyons-nous fortement l’un à l’autre, & nous résisterons à tout ; contente de toi, de quoi ai-je à me plaindre ? Eh ! quel genre de bonheur voudrois-tu acheter aux dépens de celui dont nous jouissons ? Ces paroles me rendoient une force extraordinaire ; je n’avois plus qu’une crainte, celle d’être séparé d’Ellaroé.

Il y avoit plus d’un mois que nous étions en mer, les vents étoient foibles & notre course étoit lente ; enfin, les vents nous manquèrent absolument. Depuis quelques jours, les Portugais