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ruisseaux, couverte de jolies maisons & de toutes les richesses que peut donner une terre féconde & bien cultivée. Le plus grand nombre des maisons étoient en feu ; deux ou trois cents tourbillons d’une flamme rouge & sombre, s’élevoient de la plaine jusqu’au sommet des montagnes ; la flamme étoit arrêtée à cette hauteur par un nuage long & noir, formé des douces vapeurs du matin & de la fumée des maisons incendiées. Mes regards en passant dessous de ce nuage, découvroient la mer étincelante des premiers raïons du soleil ; ces raïons éclairoient les fleurs & la belle verdure de ces riches contrées, ils doroient le sommet des montagnes & le faîte des maisons que l’incendie avoit épargnées. Je voyois dans quelques parties de la plaine des animaux paître avec sécurité ; dans d’autres parties, les hommes & les animaux fuyoient à travers la campagne ; des nègres furieux pousuivoient le sabre à la main mes infortunés concitoïens ; on les massacroit aux pieds des orangers, des cassiers, des canneliers en fleurs. J’entendois autour de notre habitation les ruisseaux murmurer & les oiseaux chanter ; le bruit de la mousqueterie, les cris des blancs égorgés & des nègres acharnés