Page:Saint-Lambert - Les Saisons, 1775.djvu/292

Cette page n’a pas encore été corrigée

ma confiance. Je la remerciai si vivement qu’elle en fut un peu embarrassée ; elle se tourna vers son mari & lui dit : mon cher ami, je vais parler à monsieur de la passion que nous avons l’un pour l’autre ; son mari l’embrassa tendrement, & nous quitta pour suivre les faneurs : il pria Sara de me retenir jusqu’à son retour & parut s’en séparer avec regret, quoiqu’il ne la quittât que pour quelques moments. Sara me dit qu’elle alloit donner ses soins à ses enfants & à son ménage ; elle me pria de l’attendre dans le jardin. Je l’y attendis long-tems ; elle vint enfin, s’assit avec moi sur le banc de gazon, & commença ainsi son histoire.

Je suis née dans la partie la plus méridionale de l’Angleterre, d’une maison fort riche & plus illustre encore par ses services & par ses titres. Je vous tairai le lieu de ma naissance & le nom de ma famille : on me croit morte, & je veux que mon existence soit ignorée ; cela est nécessaire pour qu’elle soit toujours heureuse. J’avois six ans lorsque je perdis ma mere. Mon pere, qui aimoit avec passion la philosophie & les lettres, & qui m’idolâtroit, ne voulut point se remarier & prit soin lui-même de mon éducation : il me