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A peine ces amants par des vœux solemnels
Sont unis l’un à l’autre aux pieds de nos autels,
Que le sage pasteur rappelle à l’assemblée,
Ces dons multipliés dont le ciel l’a comblée.
Grand Dieu ! Tu nous donnas les fruits & les moissons,
Et l’amour & l’hymen, les premiers de tes dons.
L’air, les feux & les eaux, à tes ordres dociles,
Ont rendu de concert nos campagnes fertiles.
Tu daignas féconder le travail de nos mains :
L’homme est cher à son Dieu ; ce pere des humains
Nous admet les premiers à ces festins champêtres,
Où sa voix paternelle invite tous les êtres ;
De sa vaste bonté tout ressent les effets ;
Les bienfaits qu’il prodigue annoncent des bienfaits.
Jouir c’est l’honorer : jouissons, il l’ordonne ;
Associons le pauvre aux trésors qu’il nous donne,
Et reprenons gaiment un travail vertueux,
Qui nous rendit toujours meilleurs & plus heureux.
Après des chants de joie & de reconnoissance,
Le peuple se récueille, & s’écoule en silence ;
Il suit Lise & Lucas, qui se donnant la main
Du logis paternel ont repris le chemin.
Un orme vénérable en protège l’entrée.
Polémon les attend sous son ombre sacrée :
Tous deux avec respect tombent à ses genoux ;
Et lui, levant les mains sur les jeunes époux,
L’œil humide de pleurs, d’une voix attendrie,
Bénit au nom du ciel, le saint nœud qui les lie.
Damon conduit la troupe au sallon du festin,
Placé dans un bocage, au fond de son jardin :
De convives pressés la table est entourée ;
Chacun jette un regard sur la plaine dorée ;
Et voit avec plaisir les épis ramassés,
S’élever sur la plaine en gerbes entassés.
Le Ministre sacré, le seigneur du village,
Imposoient à la joie, & la rendoient plus sage.
On lisoit dans les yeux une douce gaité,
Un contentement pur, l’amour, la volupté.