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Contents de moi, de vous, & charmés l’un de l’autre,
Ils fassent à jamais leur bonheur & le vôtre.
Lise & l’heureux berger, la mère & Polémon,
Se regardoient l’un l’autre & regardoient Damon.
Lucas se précipite aux pieds de sa maîtresse ;
Lise fait éclater sa joie & sa tendresse.
Les parents sont ravis, & Damon enchanté,
Trouve dans tous les yeux le prix de sa bonté.
De nôces, de festins bientôt la douce image
Va porter la gaité de village en village ;
Et dès le lendemain, les cris & les chansons
Ont annoncé l’aurore & l’instant des moissons.
Il est donc arrivé ce moment d’abondance,
Où le travail des champs reçoit sa récompense.
De la riche Cérès les trésors vont s’ouvrir,
Et voici l’heureux jour où l’homme va jouir.
Déja des moissonneurs la troupe partagée
Attaque les sillons sur deux files rangée ;
Un sentiment profond, pur & délicieux
Règne dans tous les cœurs, brille dans tous les yeux.
Lise auprès de Lucas plus ardente à l’ouvrage,
A bientôt devancé les filles du village ;
Et nouveau laboureur dans ce noble métier,
Lucas aux yeux de Lise est fier de s’essayer.
Ici Dolon sourit agacé par Thémire ;
Là Colin rit tout haut des bons mots qu’il va dire.
Polémon en secret ordonne aux moissonneurs
D’augmenter le tribut qu’on destine aux glaneurs.
Ces beaux jours ont banni l’envie & la misère ;
Le pauvre donne au pauvre, & le riche est son frère.
Mais Lise & son amant ont vu naître le jour,
Où le ministre saint doit bénir leur amour ;
Ils vont sanctifier la flamme la plus pure,
Et jurer de s’aimer sans craindre le parjure.
On leur dit les devoirs imposés aux époux,
Ils sont sûrs de les suivre, & de les aimer tous.
Eh ! Quel charme pour eux de s’entendre prescrire
Ces aimables vertus que l’amour leur inspire !