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Sous un ciel sans nuage on voit de longs éclairs,
Serpenter sur les monts, & sillonner les airs.
La nuit marche à grands pas, & de son char d’ébène
Jette un voile léger que l’œil perce sans peine :
Son empire est douteux, son règne est d’un moment :
L’éclat du jour qui naît blanchit le firmament.
Des feux du jour passé l’horison brille encore,
Les vents & la fraîcheur n’annoncent plus l’aurore ;
Les premiers traits du jour à peine rallumé,
Portent un feu nouveau dans l’espace enflammé ;
Du rivage & des monts l’aridité brûlante,
Afflige les regards, flétrit l’ame indolente :
La chaleur qui s’étend sur un monde en repos,
A suspendu les jeux, les chants & les travaux :
Tout est morne, brûlant, tranquille ; & la lumière
Est seule en mouvement dans la nature entière.
O que ne puis-je errer dans ces sentiers profonds,
Où j’ai vu des torrents tomber du haut des monts,
Et se précipiter dans la vallée obscure,
A travers les rochers & la sombre verdure !
Que ne suis-je ombragé du voile nébuleux
Qu’élève jusqu’au ciel ce fleuve impétueux,
Qui des monts abyssins dans d’immenses vallées,
Epanche, en rugissant, ses ondes rassemblées !
Que j’aimerois à voir ces flots d’un crystal pur,
Etendre dans leur chûte une nappe d’azur,
Le fleuve s’engloutir dans des plaines profondes,
Bouillonner, reparoître, & relevant ses ondes
Opposer au soleil un nuage argenté,
Et sur les monts brûlants porter l’humidité !
Le bruit, l’aspect des eaux, leur écume élancée,
Rafraîchiroient de loin mes sens & ma pensée ;
Et là couronné d’ombre, entouré de fraîcheur,
Je braverois en paix les feux de l’équateur.
Et vous, forêt immense, espaces frais & sombres,
Séjour majestueux du silence & des ombres,
Temples où le druïde égaroit nos aïeux,
Sanctuaire où Dodone alloit chercher ses dieux ;