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A sa douce gaité souvent il s’abandonne,
Il chante ses plaisirs, & le Dieu qui les donne.
Son épouse l’écoute & s’unit à son chant,
Son fils, entre ses bras, s’endort en souriant.
O cabanes du pauvre ! Asyles respectables
Des plaisirs sans remords, des vertus véritables ;
Loin des vices polis & de l’ami trompeur,
C’est chez vous que le cœur peut rencontrer un cœur.
C’est-là que l’équité, la candeur de nos peres,
Les biens de l’âge d’or, ne sont pas des chimères.
Mais voici le moment où l’astre des saisons
Fait gémir nos climats brûlés de ses rayons.
Il descend du Cancer au monstre de Némée,
Il revêt de splendeur la nature enflammée.
Son orbe étincelant roule sous un ciel pur,
Des campagnes de l’air il argente l’azur,
Et sur le vaste champ de sa longue carrière,
Il verse de son sein des torrents de lumière :
Le fleuve se resserre, & le peuple des eaux
Cherche l’abri d’un antre ou l’ombre des roseaux.
Du sommet des rochers, sur les arides plaines
Déja n’arrive plus le tribut des fontaines :
Le ruisseau qui languit imploroit leurs secours,
Son onde a suspendu son murmure & son cours.
Par des feux dévorants la sève consumée,
Déja ne soutient plus la plante inanimée ;
Et le grain détaché de l’herbe qui pâlit,
Dans le limon poudreux tombe & s’ensevelit.
Le coursier sans vigueur, & la tête panchée,
Jette un triste regard sur l’herbe desséchée.
Le pasteur écarté sous des arbres touffus,
La tête sur la mousse & les bras étendus,
S’endort environné de ses brebis fidelles,
Et des chiens hâletans, qui veillent autour d’elles.
La chaleur a vaincu les esprits & les corps ;
L’ame est sans volonté, les muscles sans ressorts.
L’homme, les animaux, la campagne embrasée,
Vainement à la nuit demandent la rosée.