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Jusqu’aux fonds azurés, où la voûte des airs
S’unit, en se courbant, au vaste sein des mers.
Je voyois les moissons du soleil éclairées,
Ondoyer mollement sur les plaines dorées ;
Des forêts se courber sur les monts écartés ;
Des arbres couronner les bourgs & les cités ;
Des prés déja blanchis & des pampres fertiles,
Du peuple des hameaux entourer les asyles.
Le globe des saisons dans les flots radieux,
Précipitoit ses traits lancés du haut des cieux.
Le fleuve étincelant, & la mer argentée,
Renvoyoient sur les monts leur lumière empruntée :
On étoit au moment où l’excès des chaleurs
Sous leurs paisibles toits retient les laboureurs.
Il sembloit qu’à moi seul la nature en silence,
Etalât sa richesse & sa magnificence.
Les trésors rassemblés sur ces vastes cantons,
Ces monts & ces forêts, ces mers, ces champs féconds,
De ce tout varié la confuse harmonie,
Ce spectacle si grand des vrais biens de la vie,
Occupoient ma pensée, & portoient dans mon cœur
Un plaisir noble & pur, le calme & le bonheur.
La pompe de l’été, son faste & sa richesse,
M’inspiroient du respect, des transports sans ivresse.
Au réveil de l’amour, de Flore & du zéphir,
Quand chacun de nos sens nous apporte un plaisir,
On jouit au hasard, & la joie insensée
A notre ame en tumulte interdit la pensée ;
Mais ici mon bonheur me laissoit réfléchir,
Et même la raison m’invitoit à jouir.
J’admirois tes bienfaits, divine agriculture,
Tu sçais multiplier les dons de la nature ;
Toi seule à l’enrichir forces les éléments :
Elle doit à tes soins ses plus beaux ornements.
Sans toi, ces végétaux que tu sçais reproduire,
Périssent en naissant, ou naissent pour se nuire.
Etouffés l’un par l’autre, ils sement leurs débris
Sur le terrein fangeux dont ils furent nourris ;