Page:Saint-Lambert - Les Saisons, 1769.djvu/42

Cette page n’a pas encore été corrigée

La bergere effrayée entend les loups cruels
Annoncer en hurlant leurs plaisirs mutuels.
Amour, tu sçais dompter l’instinct le plus sauvage :
Le tyran des déserts entouré de carnage,
Dans les sables brûlants, au fond des antres sourds,
Exprime en rugissant ses féroces amours.
A ses horribles feux sa compagne sensible,
Lui répond par un cri lamentable & terrible ;
Leur long rugissement rétentit dans les airs,
Et trouble dans la nuit le calme des déserts.
Enfin le couple affreux s’unit dans l’ombre obscure
Et semble en jouissant menacer la nature.
Le tigre à tes faveurs a long-tems résisté,
Il sembloit à regr& sentir la volupté ;
Au plus doux des plaisirs mêlant sa barbarie,
Il caresse en grondant son amante en furie.
Pleins de rage & d’amour les monstres forcenés
Calment sans s’adoucir leurs besoins effrénés.
Mais pourquoi nous tracer ces funestes images ?
Tandis que sous nos yeux, au fond de ces bocages,
Sur ces dômes d’azur, au bord de ces ruisseaux,
Des sentiments si doux animoient ces oiseaux.
Voyez-les s’empresser autour de leurs amantes,
Et les yeux enflammés, les ailes frémissantes,
Par des soins, par des chants, demander du retour,
Inspirer le plaisir, & mériter l’amour.
Voyez sur ce donjon la colombe amoureuse
A son amant aimé se montrer dédaigneuse ;
Il cherche à se parer des couleurs de son sein,
Et change en s’agitant leur émail incertain :
Le dédain l’éloignoit, un coup d’œil le rappelle ;
D’un air timide & tendre il revient auprès d’elle ;
Mais l’accueil qu’il reçoit le rend audacieux ;
Le plaisir & l’amour éclatent dans leurs yeux ;
Et le bec entr’ouvert, les ailes étendues,
Ils confondent enfin leurs ames éperdues.
Le moineau plus ardent, & moins voluptueux,
Vole avec confiance à l’obj& de ses feux ;