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Que ces eaux, ce vent frais, ce soleil sans nuage,
Donnent de vie & d’ame à ce beau paysage !
Quel contraste charmant du verd de ces gazons
Au verd de la forêt, à celui des moissons !
Qu’il est doux d’admirer les détails & l’ensemble
Des biens & des beautés que le printems rassemble !
Amour, c’est pour toi seul qu’il ornoit l’univers :
Viens remplir de tes feux l’air, la terre & les mers.
Principe de la vie, ame & ressort du monde,
Des graces, des plaisirs, source aimable & féconde !
Toi, qui dans tous nos sens répands la volupté,
Dès que la force en nous s’unit à la beauté,
Toi qui subjugues tout, toi qui rends tout sensible,
Puissance universelle, ou charmante ou terrible,
Vainqueur des foibles loix, & des dogmes trompeurs,
Que les vains préjugés t’opposent dans nos cœurs !
Toi qui seul remplis l’ame, & fais sentir la vie,
Consolateur des maux dont elle est poursuivie,
Rends heureux l’univers, qu’il aime & c’est assez.
Enflammes, réunis les êtres dispersés ;
Par l’excès des plaisirs fais sentir ta puissance ;
La nature est enfin digne de ta présence.
Jeune, riante & belle, elle attend tes faveurs,
Ton trône est préparé sous des berceaux de fleurs,
Des chants multipliés dans les airs se confondent
Et volent des côteaux aux vallons qui répondent :
Je vois les animaux l’un vers l’autre accourir,
S’approcher, s’éviter, se combattre & s’unir.
Ils semblent inspirés par une ame nouvelle,
Et le feu du plaisir dans leurs yeux étincelle.
Le coursier indocile, inquiet, agité,
Echappe en bondissant au frein qui l’a dompté ;
Du haut de la colline il porte au loin la vue,
Il cherche un seul obj& dans la vaste étendue.
La genisse mugit de vallons en vallons,
Et le taureau fougueux suit ses pas vagabonds.
Par les sons étouffés d’un lugubre murmure
Il revèle aux échos le tourment qu’il endure.