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Vous chassez mes ennuis, vous charmez la langueur
Dont la ville & l’hiver ont accablé mon cœur.
Je sens renaître en moi la joie & l’espérance,
Et le doux sentiment d’une heureuse existence.
Ah ! Ce monde frivole où j’étois entraîné,
Et son luxe & ses arts ne me l’ont point donné.
Tout me rit, tout me plaît dans ce séjour champêtre ;
C’est-là qu’on est heureux sans trop penser à l’être.
Je n’y jouis pas seul ; le retour du printemps
Vient d’inspirer la joie aux citoyens des champs ;
Les entends-tu, Doris, bénir leur destinée,
Et saluer en chœur l’aurore de l’année ?
Vois-tu l’activité, l’espoir de son bonheur
Eclater dans les yeux du jeune agriculteur ?
Content de voir finir les jours de l’indolence,
Il veut par le travail mériter l’abondance ;
Il se plaît dans sa peine, il craint la pauvreté,
Mais il craint plus encor la triste oisiveté.
Tandis que sous un dais la mollesse assoupie
Traîne les longs moments d’une inutile vie,
Il dompte, en se jouant, ce taureau menaçant
Qui résiste avec crainte, & cède en mugissant ;
Et le soc enfoncé dans un terrain docile,
Sous ses robustes mains ouvre un sillon facile.
Le chant gai de l’oiseau qui monte au haut des airs
Pour donner aux oiseaux le signal des concerts,
Dès que le jour naissant dans l’ombre s’insinue,
L’avertit que Cérès l’appelle à sa charue ;
Il va semer ces grains si chers aux animaux,
Compagnons éternels de ses nobles travaux ;
La herse, en les couvrant sous la glebe amollie,
Assure le dépôt qu’à la terre il confie.
Ce soleil qui s’élève & prolonge le jour,
Va réveiller les sens & ramener l’amour.
Il donne aux animaux plus d’ame & d’énergie,
Il ajoute à l’instinct, il augmente la vie.
Déja le rossignol chante au peuple des bois ;
Il fait précipiter & rallentir sa voix ;