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A peine des beaux arts on entrevit l’aurore,
L’homme en offrit l’hommage au sexe qu’il adore ;
Ce sexe en fut l’arbitre : Apollon enchanté
Fit recevoir les loix que dictoit la beauté ;
On vit naître le goût, les graces, la décence ;
Dans les arts & les mœurs on connut l’élégance ;
D’un peuple délicat sur le choix des plaisirs,
Un luxe ingénieux amusa les loisirs ;
Le besoin de jouir, de plaire & d’être aimable
Répandit sur la vie un charme inexprimable.
Voyez dans ces palais au jour de cent flambeaux,
Dont les feux répétés tremblent dans les crystaux,
Vainqueur du sombre hiver, à l’abri des tempêtes,
L’homme ordonner des jeux, & disposer des fêtes.
Sur ses riches lambris l’opulence & les arts
Semblent se disputer de fixer vos regards ;
Ici par les Vanlo la nature exprimée
Respire, pense, agit sur la toile animée,
Là, l’aiguille sçavante égala les pinceaux ;
La volupté choisit le sujet des tableaux.
Mais le bal va s’ouvrir chez Hébé, chez Alcine :
L’or & l’émail des fleurs, les perles & l’hermine,
De la foule élégante ornent les vêtemens ;
L’incarnat des rubis, le feu des diamants
Répandent un jour doux sur les charmes des belles,
Et les yeux avertis vont se fixer sur elles.
Le desir de tout vaincre & l’espoir du succès
Brillent modestement dans leurs yeux satisfaits.
Le feu de leurs regards s’anime avec la danse,
L’amour sans se montrer fait sentir sa présence,
Et plein d’un sentiment vif & délicieux,
Chacun sent le plaisir qu’il voit dans tous les yeux.
Ah ! Si le sombre hiver, l’excès de la froidure,
Les tristes vents du nord, la mort de la nature,
Les ombres, la tempête & les champs désolés
Agissoient trop encor sur vos sens accablés,
A ces impressions, à la mélancolie,
Opposez, s’il le faut, les jeux de la folie,